J’arrive, râles des agonisants, plaine fumante, trophées érigées à la hâte, après la bataille.
Juste deux mots.
Un premier mot pour remarquer que, dans l’embryon de lutte de classes que le microscope de l’historien marxiste peut observer dans la Rome ancienne, Cincinnatus se place moins du côté des prolétaires que des possédants, de la finance honnie à Bercy, ou des entrepreneurs aimés à Jouy. Passons.
Un deuxième mot pour me réjouir de ce retour en force des humanités dans les références de nos dirigeants pour illustrer leurs propos ou mettre noblement en perspective leur action. S’il n’en fallait qu’un autre exemple, je reviendrai sur le récent tweet envoyé par Cécile Duflot pour stigmatiser la politique de ses anciens collègues de gouvernement : « Cuiusvis hominis est errare, nullius nisi insipientis perseverare in error » et qui, traduit diversement par les journaux, signifie de façon à peu près limpide : « C’est le lot commun de tomber dans l’erreur, mais c’est le propre du sot d’y persévérer ».
Pareille citation plonge le lecteur informé dans le trouble pour au moins trois raisons.
D’abord, pour quel motif Mme Duflot l’a-t-elle préférée au très courant « Errare humanum est, perseverare diabolicum » ? Evidemment, on peut songer à un désir de montrer une culture qui s’élèverait au-dessus des pages… roses, que sont supposés feuilleter les laborieux socialistes. Sans doute. Je soupçonne aussi chez l’ancienne militante des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes le souci d’effacer tout ce qui dans l’ »error » sentirait trop le péché et l’hérésie, le souci de laïciser une pensée dont les commentateurs ont observé qu’elle penchait spontanément vers le prêchi prêcha .
Deuxième question : pourquoi cette étrange faute, un solécisme, sur le dernier mot de la citation ? La grammaire latine exigerait en effet un « errore » et non l’ « error », mot sur lequel, par une amusante mise en abîme, l’ancienne ministre a commis une erreur de débutante, un peu gênante quand on veut jouer les lettrés. La réponse est facile : la même faute figure en effet dans le « Dictionnaire des sentences grecques et latines » de Renzo Tosi où la dame est allée chercher son petit effet sans vérifier plus avant. La citation encoquillée, vous la trouverez p. 1391 – sous l’entrée « errare humanum est », ce qui confirme la première réponse.
Troisième question, métaphysique et politique, celle-ci : quand finit l’erreur simple et quand commence la persévérance ? Est-ce que pendant deux ans de ministère Mme Duflot considère qu’elle est demeurée dans l’ erreur pardonnable du tout venant ? Le « diabolique » commencerait-t-il après seulement ? Merci par avance à ceux qui s’y connaissent en malice et en entêtement de me répondre.